Avertissement : ceci n'est pas une recommandation d'investissement. Veuillez-vous rapprocher de votre conseiller avant toute décision d'investissement.
Réglementation bancaire européenne : les trois piliers de l’union bancaire
L’union bancaire repose sur le Mécanisme de surveillance unique (MSU), le Mécanisme de résolution unique (MRU) et un projet de garantie européenne des dépôts encore inachevé.
Le MSU confie à la BCE la supervision directe des grandes banques, en coordination avec les autorités nationales ; le MRU organise la gestion des crises par le Conseil de résolution unique et son Fonds de résolution.
Cette architecture vise à casser le cercle « banques-États » et à traiter les défaillances au niveau européen. Les analyses académiques récentes rappellent à la fois la nécessité de ce cadre et l’incomplétude de la garantie commune des dépôts, toujours débattue politiquement.
Cadre prudentiel : CRR/CRD et mise en œuvre de Bâle III
Le versant prudentiel de la réglementation bancaire européenne transpose Bâle III via le CRR/CRD : ratios de capital (CET1, Tier 1, Total), coussins macroprudentiels, ratio de levier, et ratios de liquidité LCR (30 jours) et NSFR (un an).
L’UE a adopté en 2024 le « paquet Bâle III final », entré en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2025 avec un déploiement progressif de certaines exigences, afin d’améliorer la comparabilité des risques et la robustesse des bilans.
Gestion des crises : BRRD, bail-in et réforme CMDI
La directive BRRD fournit le cadre commun de redressement et de résolution ordonnée des banques défaillantes.
Son principe cardinal : les pertes sont d’abord supportées par les actionnaires, puis par les créanciers grâce au mécanisme de bail-in ; l’argent public n’intervient qu’en ultime recours.
Le règlement MRU précise les pouvoirs du Conseil de résolution unique et l’usage du Fonds de résolution unique.
Pour combler les lacunes constatées sur les banques petites et moyennes, l’UE a arrêté en juin 2025 un accord politique sur la réforme CMDI (crises et garantie des dépôts), nouvelle étape vers l’achèvement de l’union bancaire.

Gouvernance et orientations : EBA, ACPR et BCE dans la réglementation bancaire européenne
Le single rulebook (l’ensemble unique de règles prudentielles et de supervision applicables à toutes les banques de l’Union européenne) est animé par l’Autorité bancaire européenne (EBA), qui élabore normes techniques etorientations afin d’harmoniser la surveillance ; en France, l’ACPR relaie ces orientations et veille à leur application par les établissements.
De son côté, la BCE publie le corpus juridique applicable aux banques relevant du MSU et précise ses attentes prudentielles, ce qui favorise une interprétation homogène des textes au sein de la zone euro.
Des interventions récentes plaident, en parallèle, pour réduire la fragmentation du marché financier et fluidifier la circulation intra-groupe du capital et de la liquidité via des waivers mieux encadrés.
Obligations subordonnées : la brique « perte-absorbante » de la réglementation bancaire européenne
Au cœur de la capacité d’absorption des pertes, les obligations subordonnées constituent une brique clef du cadre. Deux catégories dominent : Tier 2 (T2) et Additional Tier 1 (AT1).
- T2: dettes subordonnées de long terme, placées derrière les créanciers seniors. Elles sont prises en compte dans les fonds propres réglementaires jusqu’à échéance, avec un amortissement réglementaire en fin de vie ; aucun remboursement anticipé avant cinq ans sans autorisation du superviseur.
- AT1 : instruments souvent perpétuels, à coupons discrétionnaires, comportant des mécanismes contractuels de réduction ou conversion du nominal si le niveau de capital descend sous un seuil prédéfini.
Dans la hiérarchie, ces titres absorbent les pertes après les actions mais avant les dettes seniors. Ils sont centraux pour satisfaire les exigences de passifs « éligibles » à la résolution (ex. MREL) en garantissant qu’une masse suffisante de ressources privées puisse être mobilisée sans recourir aux contribuables — un principe au cœur de la BRRD/MRU.
En contrepartie, ils offrent généralement desrendements potentiellement supérieurs, mais cela s’accompagne d’un risque élevé de perte en capital.
Les porteurs d’AT1 ou de T2 doivent accepter la possibilité de suspension des coupons, de conversion forcée ou d’annulation totale de leur investissement.

Points d’attention de la réglementation bancaire européenne pour les banques et les investisseurs
Pour les banques, la réglementation bancaire européenne impose un calibrage fin du passif pour satisfaireMREL au moindre coût : choix du mix T2/AT1, architecture de subordination (holdco/opco), clauses de remboursement, et trajectoires d’émission compatibles avec les fenêtres de marché.
Les évolutions attendues de CMDI et l’achèvement progressif de l’union bancaire devraient clarifier l’articulation entre résolution et garantie des dépôts, avec des effets sur la demande, le pricing et la documentation des émissions subordonnées.
Pour la supervision, l’enjeu demeure l’harmonisation pratique : appliquer de manière cohérente les orientations de l’EBA et les attentes du MSU, tout en limitant les poches de fragmentation.
Pour l’investisseur, trois vérifications s’imposent :
- La position exacte dans la cascade de pertes (rang, clauses de non-accélération),
- Les triggers et modalités de conversion/réduction des AT1,
- La capacité bénéficiaire et la qualité du capital de l’émetteur, déterminantes pour limiter la probabilité d’activation.
Les récents épisodes hors UE ont rappelé l’importance ducadre juridique local ; en zone euro, les autorités ont réaffirmé la hiérarchie d’absorption des pertes et poursuivent l’harmonisation par textes et orientations, ce qui réduit l’incertitude pour les titulaires d’AT1/T2.
Il est essentiel de rappeler que ces instruments ne conviennent pas à tous les profils : ils s’adressent principalement aux investisseurs avertis capables de supporter un risque élevé de perte en capital et de forte volatilité.
Malgré ses évolutions la réglementation bancaire européenne se base toujours sur les mêmes principes
La réglementation bancaire européenne évolue, mais ses fondamentaux demeurent :
- Capital plus robuste,
- Liquidité plus stable,
- Résolution crédible,
- Supervision centralisée.
Les obligations subordonnées restent un levier clé de résilience pour les banques et un segment d’investissement exigeant. Toutefois, l’investissement comporte des risques importants de perte en capital, et ne constitue en aucun cas une garantie de rendement.
La mise en œuvre de Bâle III final en 2025, l’accord politique sur CMDI et les orientations de l’EBA continueront d’influencer la structure des bilans et le coût du capital ; suivre ces jalons, ainsi que les pratiques du MSU, aide à calibrer émissions, valorisations et risques.