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Banques européennes : Vers un monde sans TLTRO, pas de panique !

La hausse des taux d'intérêt signifie la fin de l’argent facile pour l’emprunteur, et ce, même dans le cas des banques.

En octobre dernier, la Banque Centrale Européenne a annoncé la fin de son programme de financement de 2 100 milliards d'euros : le TLTRO (Targeted Longer-term refinancing operations), dont environ 1 100 milliards d'euros doivent encore être remboursés. Le remboursement final est prévu pour décembre 2024, mais environ 477 milliards d'euros arrivent à échéance en juin 2023.

Alors que les banques se remettent encore de la récente tempête et en dépit des résultats exceptionnels publiés pour le premier trimestre 2023, les investisseurs commencent à montrer des signes de nervosité à l'égard de l'arrivée à maturité du TLTRO.

Après avoir étudié les tenants et les aboutissants de ce programme de financement, nous pensons que cet événement ne devrait pas être une source d’inquiétude. La fin du TLTRO était attendue et programmée, les banques européennes s'y sont préparées. En effet, elles ont augmenté leurs niveaux de liquidité, notamment par des dépôts à la BCE (offrant des betas faibles) et se sont préparées à refinancer le TLTRO par le biais des nombreuses solutions disponibles, telles que le « Main Refinancing Operations » (MRO), ou le « Long Term Refinancing Operations » (LTRO).  Il n'y a donc pas, selon nous, de stress pour les banques à chercher des financements.

Le TLTRO était une mesure exceptionnelle conçue pour une période exceptionnelle, afin d'aider à soutenir la croissance européenne. Cela a été le cas, et avec la normalisation des taux actuelle, il est temps de tourner la page sur ce chapitre.

Pourquoi craindre un impact pour les banques ?

Le mécanisme de financement TLTRO a débuté en 2014 pour inciter les banques à financer l'économie réelle en leur proposant des financements à long terme à des conditions attractives, afin qu'elles continuent à offrir des taux d'emprunt favorables, en particulier pour les sociétés non financières et les ménages. 
Les conditions d'emprunt proposées aux banques (taux d'intérêt et montant empruntable) étaient alignées sur la quantité et les conditions des prêts accordés au public : plus il y avait de prêts accordés, plus les conditions du TLTRO étaient avantageuses.

De nombreuses banques ont profité de ce mécanisme et ont déposé les fonds TLTRO III non utilisés auprès de la BCE à des taux plus élevés que ceux auxquels elles ont emprunté. Cette opération, connue sous le nom de "carry-trade", qui permet aux banques de bénéficier de millions d'euros chaque trimestre, disparaîtra bien sûr des résultats des banques dans un monde sans TLTRO.

Le TLTRO III a également aidé les banques de la zone euro à conserver des niveaux de liquidité historiquement élevés ces dernières années, dépassant facilement le ratio minimum de couverture des liquidités (LCR) de 100 % fixé par la BCE. Le LCR moyen des banques de la zone euro s'élève à environ 160 % au premier trimestre 2023.

Par conséquent, la principale angoisse des investisseurs concernant la fin du TLTRO repose sur ces deux axes : la perte potentielle de profits et la baisse des niveaux de liquidité, en particulier dans le contexte des récentes craintes concernant les liquidités et les sorties de dépôts causées par les affaires SVB/CS.

Quel pourrait être l’impact sur le bilan des banques ?

Impact sur le LCR

 

Le TLTRO fonctionne comme une facilité de mise en pension (REPO).  Au fur et à mesure que les prêts TLTRO sont remboursés, le collatéral adossé à ces prêts est libéré. Par conséquent, le LCR sera plus ou moins sensible à l’arrêt du TLTRO en fonction du type de garantie utilisée. Si le collatéral est constitué de titres liquides de haute qualité, comme des obligations d'État (HQLA), il peut être réutilisé dans des opérations repo du secteur privé ou vendu directement, ce qui le rend sans impact pour le LCR. Dans certains cas, les REPO du privé peuvent même être plus rentables pour les banques que le TLTRO, car ils offrent plus de flexibilité sur la taille ou la date d’échéance. 

Toutefois, la BCE accepte également des garanties de moindre qualité qui peuvent ne pas être acceptées par le marché interbancaire au sens large, notamment les obligations sécurisées et les titres adossés à des actifs (ABS). Le recyclage de ces garanties est plus difficile en raison de leur manque de liquidité. Par conséquent, il en résulterait probablement une diminution du LCR des banques. 

Selon les données de la BCE (voir le graphique 2 ci-dessous), la proportion moyenne de HQLA utilisée par les banques de la zone euro est d'environ 65 % du total des garanties, ce qui signifie qu'en moyenne, seuls 35 % du LCR pourrait être affectés par la fin du TLTRO, et cela, sans tenir compte des nombreuses mesures de mitigation possibles, que nous détaillerons ci-dessous.

 

Impact sur les bénéfices

 

Les banques ont affiché de solides résultats pour le premier trimestre 2023, le 9ème trimestre consécutif dépassant le consensus des analystes, avec des revenus d'intérêts en hausse de 35 % par rapport au trimestre précédent, et un Return on Equity estimé à plus de 10 %, bénéficiant largement de la hausse des taux d'intérêt. Ainsi, même si les grands acteurs ne pourront plus jouer le « carry-trade » comme ils le faisaient depuis 2014, ce n'était qu'une de leurs nombreuses sources de revenus. Comme nous le savons, la diversification est essentielle, et les banques européennes ont démontré leur compétence en la matière.

En ce qui concerne les autres ratios, les voyants sont au vert, avec des ratios CET1 supérieurs à 15 % à partir de fin 2022, et des ratios de prêts non performants (NPL) de plus en plus bas, dont le niveau moyen est actuellement situé à 1,8 % en moyenne. En outre, les banques distribueront cette année 100 milliards de dividendes et de rachats d'actions, qui ont déjà été approuvés par les régulateurs, ce qui constitue un message positif pour les investisseurs. 

Par conséquent, nous ne considérons pas l'arrivée à maturité du TLTRO comme un problème majeur : les banques européennes disposent de réserves excédentaires très importantes, aucune panique n’a commencée pour remplacer le financement offert par le TLTRO et, dans l'ensemble, les fondamentaux sont toujours aussi solides.

Quelles sont les sources de refinancement restantes ?

La plupart des banques disposent d'énormes réserves de liquidités auprès de la BCE, qui dépassent largement leurs niveaux de TLTRO (voir le graphique 3 ci-dessous). La possibilité d’utiliser ces réserves est largement répandue parmi les banques, mais elle ne sera pas neutre pour le LCR.

Idéalement, les banques qui ont utilisé le TLTRO à des fins de prêt (plutôt que de s'engager dans des opérations de « carry trade ») pourraient rechercher des sources de financement permanentes telles que les ABS, les obligations sécurisées, les obligations senior (y compris MREL) et les dépôts à terme.

Parmi ces solutions, les dépôts à terme sont généralement les plus intéressants en termes de coûts de financement. Les obligations sécurisées et les ABS constituent des options intéressantes, même si les banques doivent encore payer une prime, même si elle n’est pas très importante. En outre, compte tenu de l'inversion actuelle de la courbe des taux, cette prime pourrait être inférieure au taux de la BCE.

Pour les plus petites banques qui n'ont pas accès à ces options, la BCE propose toujours l'opération principale de refinancement (Main Financing Operations – MRO) et l'opération de refinancement à plus long terme (Long Term Financing Operation – LTRO).

Ces dispositifs plus classiques proposent le taux directeur de la BCE, soit 50 points de base de plus que le TLTRO. Ils ne font cependant pas l'objet de compétition ou d’appel d'offres entre les banques, qui peuvent toutes en bénéficier sans avoir à déclarer d’objectif d’émission de prêt au public. Ainsi, le passage d’un financement par le TLTRO à du financement LTRO/MRO n'aurait pas d'impact sur le LCR des banques européennes, mais seulement sur les bénéfices basés sur ces programmes. Comme expliqué précédemment cela n’aurait toutefois qu’un impact négligeable sur les profits, du fait de la diversification des sources de revenus des banques.

En ce qui concerne les niveaux des réserves de dépôt et des liquidités, les investisseurs se montrent particulièrement méfiants à l'égard des banques italiennes.

Comme le montre le graphique 3, elles sont l'une des seules banques à avoir beaucoup plus de TLTRO III que de dépôts à la BCE. Elles n'ont pas assez de réserves pour tout couvrir et pourraient de ce fait être tentées de remplacer le financement en passant au LTRO / MRO. 

Dans le pire scenario, leur coût de financement augmenterait de 50 points de base en passant au LTRO, et elles finiraient par émettre des obligations sur les marchés primaires, avec un rendement probablement attractif pour attirer les investisseurs. Ainsi, à notre avis, les inquiétudes concernant les banques italiennes s’avèrent sans fondement.

 

En conclusion, la fin du TLTRO pourrait effectivement représenter un défi dans une certaine mesure. Toutefois, elle ne constitue pas une menace majeure pour la liquidité ou les bénéfices.

La complexité réside plutôt dans la manière dont les banques réussiront à maintenir l’équilibre entre la gestion des coûts de refinancement et le maintien de leur rentabilité, qui, rappelons-le, est fortement soutenue par la hausse actuelle des taux d'intérêt.

La hausse des taux d'intérêt signifie la fin de l’argent facile pour l’emprunteur, et ce, même dans le cas des banques. En octobre dernier, la Banque Centrale Européenne a annoncé la fin de son programme de financement de 2 100 milliards d'euros : le TLTRO (Targeted Longer-term refinancing operations), dont environ 1 100 milliards d'euros doivent encore être remboursés. Le remboursement final est prévu pour décembre 2024, mais environ 477 milliards d'euros arrivent à échéance en juin 2023.

Alors que les banques se remettent encore de la récente tempête et en dépit des résultats exceptionnels publiés pour le premier trimestre 2023, les investisseurs commencent à montrer des signes de nervosité à l'égard de l'arrivée à maturité du TLTRO.

Après avoir étudié les tenants et les aboutissants de ce programme de financement, nous pensons que cet événement ne devrait pas être une source d’inquiétude. La fin du TLTRO était attendue et programmée, les banques européennes s'y sont préparées. En effet, elles ont augmenté leurs niveaux de liquidité, notamment par des dépôts à la BCE (offrant des betas faibles) et se sont préparées à refinancer le TLTRO par le biais des nombreuses solutions disponibles, telles que le « Main Refinancing Operations » (MRO), ou le « Long Term Refinancing Operations » (LTRO). Il n'y a donc pas, selon nous, de stress pour les banques à chercher des financements.

Le TLTRO était une mesure exceptionnelle conçue pour une période exceptionnelle, afin d'aider à soutenir la croissance européenne. Cela a été le cas, et avec la normalisation des taux actuelle, il est temps de tourner la page sur ce chapitre.

Vous pouvez trouver plus de détails dans notre analyse ci-dessous.