Longtemps dominés par les valeurs technologiques, les portefeuilles des investisseurs fortunés reflétaient la croissance fulgurante et le rôle moteur de ce secteur dans l’innovation. Cette suprématie se justifiait par les performances impressionnantes des grandes entreprises technologiques.
Cependant, au cours des deux dernières années, une tendance inattendue s’est dessinée: les banques européennes ont surpassé les grandes valeurs technologiques américaines, notamment les célèbres «7 Magnifiques». Leur résilience et leur dynamique de croissance ravivent aujourd’hui le débat sur l’opportunité d’une réallocation d’actifs en faveur des banques européennes.
Des banques européennes en pleine renaissance
Les résultats récents des banques européennes illustrent une dynamique positive remarquable. Lors du quatrième trimestre 2024, ces institutions ont publié des résultats d’exploitation avant impôts dépassant en moyenne de 5% les attentes. Cette performance s’explique notamment par la solidité des commissions et des activités de trading, dont les revenus ont dépassé les prévisions des analystes de 4%.
En parallèle, les activités de prêts ont bénéficié d’une croissance stable, soutenue par une demande accrue des entreprises comme des ménages. Cette dynamique a permis à plusieurs établissements de générer une hausse des marges d’intérêts, portée par un environnement de taux plus favorable.
Conséquence directe: les banques de la zone euro affichent désormais des ratios cours/valeur comptable (P/B) supérieurs à 1,0x, un seuil inédit depuis la crise financière de 2008. Ce retour en force témoigne de la confiance retrouvée des marchés dans la capacité des banques à générer des rendements sur fonds propres durables, excédant leur coût du capital.
Malgré cette remontée significative, le secteur bancaire européen continue de se traiter à un multiple de bénéfices relativement modeste de 8,5x pour 2025, — soit une décote d’environ 35% par rapport au marché global. Une sous-valorisation qui ouvre une fenêtre d’opportunité intéressante pour les investisseurs fortunés en quête de diversification, de rendement et de résilience.
Des perspectives ambitieuses et attractives
Les objectifs à moyen terme affichés par les principales banques européennes témoignent d’un regain d’ambition. Plusieurs établissements visent en effet une rentabilité des fonds propres tangibles (ROTE) supérieure à 15% d’ici 2026 ou 2027 — un niveau qui reflète la transformation structurelle du secteur bancaire et sa capacité d’adaptation dans un environnement macroéconomique en mutation.
Outre leur redressement opérationnel, les banques européennes se distinguent également par des politiques généreuses de rémunération des actionnaires. Sur les trois prochaines années, elles devraient offrir un rendement total — combinant dividendes et rachats d’actions — de l’ordre de 9% par an.
Certaines institutions de premier plan, telles qu’ING, Commerzbank ou UniCredit, ont d’ores et déjà annoncé des programmes ambitieux de redistribution, pouvant atteindre jusqu’à 100% de leurs bénéfices. Ces politiques favorisent une stabilité des revenus pour les investisseurs et offrent une alternative solide aux secteurs plus volatils.
Par ailleurs, certaines banques européennes ont renforcé leur engagement en faveur de la finance durable. Ce positionnement attractif renforce leur compétitivité auprès des grandes fortunes de plus en plus sensibles aux enjeux environnementaux.
Un contexte macroéconomique et géopolitique favorable
La réallocation des flux d’investissement vers l’Europe s’explique par la convergence de plusieurs facteurs:
- Incertitudes politiques aux Etats-Unis: L’administration Trump et les tensions commerciales ont incité de nombreux investisseurs à diversifier leurs portefeuilles hors des marchés américains.
- Stabilisation de la situation en Ukraine: L’espoir d’une fin du conflit et la solidarité émergente des économies européennes ont renforcé la confiance des marchés dans le potentiel de croissance du Vieux Continent.
- Hausse des dépenses budgétaires allemandes: Ces mesures, en stimulant la croissance et en provoquant une hausse des taux longs, ont dissipé les craintes d’un retour à des taux négatifs.
- Consolidation du secteur bancaire: Plusieurs fusions et acquisitions stratégiques ont permis aux banques européennes d’améliorer leur efficience et de renforcer leur présence sur le marché.
Un repositionnement justifié
Pour les grandes fortunes désireuses de diversifier leurs portefeuilles tout en captant des opportunités de croissance durable, les banques européennes s’imposent aujourd’hui comme une alternative crédible aux valeurs technologiques, dont les valorisations apparaissent désormais tendues après un long cycle haussier.
Porté par une dynamique bénéficiaire solide, des rendements généreux et une normalisation progressive des valorisations, le secteur bancaire européen offre des perspectives attractives à ceux qui souhaitent profiter de la renaissance d’un secteur stratégique et en pleine transformation.
L'AGEFI Finance, mai 2025.